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LA REINE MARGOT.

ment qu’à un sourire, on dit même qu’il ose m’accuser d’avoir, de complicité avec madame Catherine, empoisonné sa mère.

— Non ! non ! s’écria Marguerite, ne croyez pas cela, mon bon René !

— Oh ! peu m’importe, Madame ! dit le parfumeur ; ni le roi de Navarre ni les siens ne sont plus guère à craindre en ce moment.

Et il tourna le dos à Marguerite.

— Oh ! monsieur de Tavannes, monsieur de Tavannes s’écria Marguerite, un mot, un seul, je vous prie !

Tavannes qui passait, s’arrêta.

— Où est Henri de Navarre ? demanda Marguerite.

— Ma foi ! dit-il tout haut, je crois qu’il court la ville avec MM. d’Alençon et de Condé.

Puis, si bas que Marguerite seule put l’entendre :

— Belle Majesté, dit-il, si vous voulez voir celui pour être à la place duquel je donnerais ma vie, allez frapper au cabinet des Armes du roi.

— Oh ! merci, Tavannes ! dit Marguerite, qui, de tout ce que lui avait dit Tavannes, n’avait entendu que l’indication principale ; merci, j’y vais.

Et elle prit sa course tout en murmurant :

— Oh ! après ce que je lui ai promis, après la façon dont il s’est conduit envers moi quand cet ingrat Henri s’était caché dans le cabinet, je ne puis le laisser périr !

Et elle vint heurter à la porte des appartements du roi ; mais ils étaient ceints intérieurement par deux compagnies des gardes.

— On n’entre point chez le roi ! dit l’officier en s’avançant vivement.

— Mais moi ? dit Marguerite.

— L’ordre est général.

— Moi, la reine de Navarre ! moi, sa sœur !

— Ma consigne n’admet point d’exception, Madame ; recevez donc mes excuses.

Et l’officier referma la porte.

— Oh ! il est perdu, s’écria Marguerite alarmée par la vue de toutes ces figures sinistres, qui, lorsqu’elles ne respiraient pas la vengeance, exprimaient l’inflexibilité. — Oui, oui, je comprends tout… on s’est servi de moi comme d’un