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LA REINE MARGOT.

Charlotte tomba à genoux.

— Madame, dit-elle, pardonnez-moi, je reconnais à quel point je suis coupable envers vous ; mais, si vous saviez ! la faute n’est pas tout entière à moi, et un ordre exprès de la reine mère…

— Relevez-vous, dit Marguerite, et comme je ne pense pas que vous soyez venue dans l’espérance de vous justifier vis-à-vis de moi, dites-moi pourquoi vous êtes venue.

— Je suis venue, Madame, dit Charlotte toujours à genoux et avec un regard presque égaré, je suis venue pour vous demander s’il n’était pas ici.

— Ici, qui ? de qui parlez-vous, Madame ?… car, en vérité, je ne comprends pas.

— Du roi !

— Du roi ! vous le poursuivez jusque chez moi ! Vous savez bien qu’il n’y vient pas, cependant !

— Ah ! Madame ! continua la baronne de Sauve sans répondre à toutes ces attaques et sans même paraître les sentir ; ah ! plût à Dieu qu’il y fût !

— Et pourquoi cela ?

— Eh ! mon Dieu ! Madame, parce qu’on égorge les huguenots, et que le roi de Navarre est le chef des huguenots.

— Oh ! s’écria Marguerite en saisissant madame de Sauve par la main et en la forçant de se relever, oh ! je l’avais oublié ! D’ailleurs, je n’avais pas cru qu’un roi pût courir les mêmes dangers que les autres hommes.

— Plus, Madame, mille fois plus, s’écria Charlotte.

— En effet, madame de Lorraine m’avait prévenue. Je lui avais dit de ne pas sortir. Serait-il sorti ?

— Non, non, il est dans le Louvre. Il ne se retrouve pas. Et s’il n’est pas ici…

— Il n’y est pas.

— Oh ! s’écria madame de Sauve avec une explosion de douleur, c’en est fait de lui, car la reine mère a juré sa mort.

— Sa mort ! Ah ! dit Marguerite, vous m’épouvantez. Impossible !

— Madame, reprit madame de Sauve avec cette énergie que donne seule la passion, je vous dis qu’on ne sait pas où est le roi de Navarre.

— Et la reine-mère, où est-elle ?