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quel, prévenu, comme on le sait, de cette visite, avait tout préparé pour la séance mystérieuse.

Dans la chambre à droite, c’est-à-dire dans la chambre aux sacrifices, rougissait, sur un réchaud ardent, une lame d’acier destinée à représenter, par ses capricieuses arabesques, les événements de la destinée sur laquelle on consultait l’oracle ; sur l’autel était préparé le livre des sorts, et pendant la nuit, qui avait été fort claire, René avait pu étudier la marche et l’attitude des constellations.

Henri d’Anjou entra le premier ; il avait de faux cheveux ; un masque couvrait sa figure et un grand manteau de nuit déguisait sa taille. Sa mère vint ensuite ; et si elle n’eût pas su d’avance que c’était son fils qui l’attendait là, elle-même n’eût pu le reconnaître. Catherine ôta son masque ; le duc d’Anjou, au contraire, garda le sien.

— As-tu fait cette nuit tes observations ? demanda Catherine.

— Oui, Madame, dit-il ; et la réponse des astres m’a déjà appris le passé. Celui pour qui vous m’interrogez a, comme toutes les personnes nées sous le signe de l’écrevisse, le cœur ardent et d’une fierté sans exemple. Il est puissant ; il a vécu près d’un quart de siècle : il a jusqu’à présent obtenu du ciel gloire et richesse. Est-ce cela, Madame ?

— Peut-être, dit Catherine.

— Avez-vous les cheveux et le sang ?

— Les voici.

Et Catherine remit au nécromancien une boucle de cheveux d’un blond fauve et une petite fiole de sang.

René prit la fiole, la secoua pour bien réunir la fibrine et la sérosité, et laissa tomber sur la lame rougie une large goutte de cette chair coulante, qui bouillonna à l’instant même et s’extravasa bientôt en dessins fantastiques.

— Oh ! Madame, s’écria René, je le vois se tordre en d’atroces douleurs. Entendez-vous comme il gémit, comme il crie à l’aide ! Voyez-vous comme tout devient sang autour de lui ? voyez-vous comme, enfin, autour de son lit de mort s’apprêtent de grands combats ? Tenez, voici les lances ; tenez, voici les épées.

— Sera-ce long ? demanda Catherine palpitante d’une émotion indicible et arrêtant la main de Henri d’Anjou, qui, dans son avide curiosité, se penchait au-dessus du brasier.