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— Elle est chez vous ?

— Elle est chez moi.

— Il serait curieux, dit Catherine, que ces préparations cabalistiques eussent réellement l’effet qu’on leur attribue.

— Votre Majesté est plus que moi à même d’en juger.

— La reine de Navarre aime-t-elle M. de La Mole ?

— Elle l’aime au point de se perdre pour lui. Hier elle l’a sauvé de la mort au risque de son honneur et de sa vie. Vous voyez, Madame, et cependant vous doutez toujours.

— De quoi ?

— De la science.

— C’est qu’aussi la science m’a trahie, dit Catherine en regardant fixement René, qui supporta admirablement bien ce regard.

— En quelle occasion ?

— Oh ! vous savez ce que je veux dire ; à moins toutefois que ce soit le savant et non la science.

— Je ne sais ce que vous voulez dire, Madame, répondit le Florentin.

— René, vos parfums ont-ils perdu leur odeur ?

— Non, Madame, quand ils sont employés par moi ; mais il est possible qu’en passant par la main des autres…

Catherine sourit et hocha la tête.

— Votre opiat a fait merveille, René, dit-elle, et madame de Sauve a les lèvres plus fraîches et plus vermeilles que jamais.

— Ce n’est pas mon opiat qu’il faut en féliciter, Madame, car la baronne de Sauve, usant du droit qu’a toute jolie femme d’être capricieuse, ne m’a plus reparlé de cet opiat, et moi de mon côté, après la recommandation que m’avait faite Votre Majesté, j’ai jugé à propos de ne lui en point envoyer. Les boîtes sont donc toutes encore à la maison telles que vous les y avez laissées, moins une qui a disparu sans que je sache quelle personne me l’a prise ni ce que cette personne a voulu en faire.

— C’est bien, René, dit Catherine ; peut-être plus tard reviendrons-nous là-dessus ; en attendant, parlons d’autre chose.

— J’écoute, Madame.

— Que faut-il pour apprécier la durée probable de la vie d’une personne ?