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ger qui, s’il existait, l’attendait là. Elle était calme en apparence, quoique ses mains crispées indiquassent une violente tension nerveuse. À mesure qu’elle s’approchait, ce silence sinistre redoublait, et une ombre pareille à celle d’une main obscurcissait la tremblante et incertaine lueur.

Tout à coup, arrivée à l’embranchement du corridor, un homme fit deux pas en avant, démasqua un bougeoir de vermeil dont il s’éclairait en s’écriant :

— Le voilà !

Marguerite se trouva face à face avec son frère Charles.

Derrière lui se tenait debout, un cordon de soie à la main, le duc d’Alençon. Au fond, dans l’obscurité, deux ombres apparaissaient debout, l’une à côté de l’autre, ne reflétant d’autre lumière que celle que renvoyait l’épée nue qu’ils tenaient à la main.

Marguerite embrassa tout le tableau d’un coup d’œil. Elle fit un effort suprême, et répondit en souriant à Charles :

— Vous voulez dire : La voilà, sire !

Charles recula d’un pas. Tous les autres demeurèrent immobiles.

— Toi, Margot ! dit-il ; et où vas-tu à cette heure ?

— À cette heure ! dit Marguerite ; est-il donc si tard ?

— Je te demande où tu vas.

— Chercher un livre des discours de Cicéron, que je pense avoir laissé chez notre mère.

— Ainsi, sans lumière ?

— Je croyais le corridor éclairé.

— Et tu viens de chez toi ?

— Oui.

— Que fais-tu donc ce soir ?

— Je prépare ma harangue aux envoyés polonais. N’y a-t-il pas conseil demain, et n’est-il pas convenu que chacun soumettra sa harangue à Votre Majesté ?

— Et n’as-tu pas quelqu’un qui t’aide dans ce travail ?

Marguerite rassembla toutes ses forces.

— Oui, mon frère, dit-elle, M. de La Mole ; il est très-savant.

— Si savant, dit le duc d’Alençon, que je l’avais prié, quand il aurait fini avec vous, ma sœur, de me venir trouver pour me donner des conseils, à moi qui ne suis pas de votre force.