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Et faisant signe à Henri de le suivre sans bruit, il poussa une première porte, puis une seconde, et s’arrêta sur le seuil.

— Regarde ! dit-il.

Henri s’approcha, et demeura fixe sur un des plus charmants tableaux qu’il eût vus.

C’était une femme de dix-huit à dix-neuf ans à peu près, dormant la tête posée sur le pied du lit d’un enfant endormi dont elle tenait entre ses deux mains les petits pieds rapprochés de ses lèvres, tandis que ses longs cheveux ondoyaient, épandus comme un flot d’or.

On eût dit un tableau de l’Albane représentant la Vierge et l’enfant Jésus.

— Oh ! sire, dit le roi de Navarre, quelle est cette charmante créature ?

— L’ange de mon paradis, Henriot, le seul qui m’aime pour moi.

Henri sourit.

— Oui, pour moi, dit Charles, car elle m’a aimé avant de savoir que j’étais roi.

— Et depuis qu’elle le sait ?

— Eh bien, depuis qu’elle le sait, dit Charles avec un soupir qui prouvait que cette sanglante royauté lui était lourde parfois, depuis qu’elle le sait, elle m’aime encore ; ainsi juge.

Le roi s’approcha tout doucement, et sur la joue en fleur de la jeune femme, il posa un baiser aussi léger que celui d’une abeille sur un lis.

Et cependant la jeune femme se réveilla.

— Charles ! murmura-t-elle en ouvrant les yeux.

— Tu vois, dit le roi, elle m’appelle Charles. La reine dit Sire.

— Oh ! s’écria la jeune femme, vous n’êtes pas seul, mon roi.

— Non, ma bonne Marie. J’ai voulu t’amener un autre roi plus heureux que moi, car il n’a pas de couronne ; plus malheureux que moi, car il n’a pas une Marie Touchet. Dieu fait une compensation à tout.

— Sire, c’est le roi de Navarre ? demanda Marie.

— Lui-même, mon enfant. Approche, Henriot.

Le roi de Navarre s’approcha, Charles lui prit la main droite.