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montrant cette fois non seulement son bras mais encore son visage, mais fussiez-vous cent, passez au large !

— Ah ! ah ! le duc de Guise ! dit Henri.

— Ah ! notre cousin de Lorraine ! dit le roi ; vous vous faites enfin connaître ! c’est heureux !

— Le roi ! s’écria le duc.

Quant à l’autre personnage, on le vit à ces paroles s’ensevelir dans son manteau et demeurer immobile après s’être d’abord découvert la tête par respect.

— Sire, dit le duc de Guise, je venais de rendre visite à ma belle-sœur, madame de Condé.

— Oui… et vous avez amené avec vous un de vos gentilshommes, lequel ?

— Sire, répondit le duc. Votre Majesté ne le connaît pas.

— Nous ferons connaissance alors, dit le roi.

Et marchant droit à l’autre figure, il fit signe à un des deux laquais d’approcher avec son flambeau.

— Pardon, mon frère ! dit le duc d’Anjou en décroisant son manteau et s’inclinant avec un dépit mal déguisé.

— Ah ! ah ! Henri, c’est vous !.. Mais non, ce n’est point possible, je me trompe… Mon frère d’Anjou ne serait allé voir personne avant de venir me voir moi-même. Il n’ignore pas que pour les princes du sang qui rentrent dans la capitale, il n’y a qu’une porte à Paris : c’est le guichet du Louvre.

— Pardonnez, sire, dit le duc d’Anjou : je prie Votre Majesté d’excuser mon inconséquence.

— Oui-da ! répondit le roi d’un ton moqueur ; et que faisiez-vous donc, mon frère, à l’hôtel de Condé ?

— Eh ! mais, dit le roi de Navarre de son air narquois, ce que Votre Majesté disait tout à l’heure.

Et se penchant à l’oreille du roi, il termina sa phrase par un grand éclat de rire.

— Qu’est-ce donc ? demanda le duc de Guise avec hauteur ; car, comme tout le monde à la cour, il avait pris l’habitude de traiter assez rudement ce pauvre roi de Navarre… Pourquoi n’irais-je pas voir ma belle-sœur ? M. le duc d’Alençon ne va-t-il pas voir la sienne ?

Henri rougit légèrement.

— Quelle belle-sœur ? demanda Charles ; je ne lui en connais pas d’autre que la reine Élisabeth.