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d’une cuirasse et le front couvert d’une de ces salades qui ensevelissaient la tête jusqu’aux yeux, apparut, assis, deux pistolets à la main et son épée sur les genoux.

Maurevel n’eut pas plus tôt aperçu cette figure et reconnu de Mouy, qu’il sentit ses cheveux se dresser sur sa tête ; il devint d’une pâleur affreuse ; sa bouche se remplit d’écume ; et, comme s’il se fût trouvé en face d’un spectre, il fit un pas en arrière.

Soudain la figure armée se leva et fit en avant un pas égal à celui que Maurevel avait fait en arrière, de sorte que c’était celui qui était menacé qui semblait poursuivre, et celui qui menaçait qui semblait fuir.

— Ah ! scélérat, dit de Mouy d’une voix sourde, tu viens pour me tuer comme tu as tué mon père !

Deux des sbires, c’est-à-dire ceux qui étaient entrés avec Maurevel dans la chambre du roi, entendirent seuls ces paroles terribles ; mais en même temps qu’elles avaient été dites, le pistolet s’était abaissé à la hauteur du front de Maurevel. Maurevel se jeta à genoux au moment où de Mouy appuyait le doigt sur la détente ; le coup partit, et un des gardes qui se trouvaient derrière lui, et qu’il avait démasqué par ce mouvement, tomba frappé au cœur. Au même instant Maurevel riposta, mais la balle alla s’aplatir sur la cuirasse de de Mouy.

Alors prenant son élan, mesurant la distance, de Mouy, d’un revers de sa large épée, fendit le crâne du deuxième garde, et, se retournant vers Maurevel, engagea l’épée avec lui.

Le combat fut terrible, mais court. À la quatrième passe, Maurevel sentit dans sa gorge le froid de l’acier ; il poussa un cri étranglé, tomba en arrière, et en tombant renversa la lampe, qui s’éteignit.

Aussitôt de Mouy, profitant de l’obscurité, vigoureux et agile comme un héros d’Homère, s’élança tête baissée vers l’antichambre, renversa un des gardes, repoussa l’autre, passa comme un éclair entre les sbires qui gardaient la porte extérieure, essuya deux coups de pistolet, dont les balles éraillèrent la muraille du corridor, et dès lors il fut sauvé, car un pistolet tout chargé lui restait encore, outre cette épée qui frappait de si terribles coups.

Un instant de Mouy hésita pour savoir s’il devait fuir chez