— Nancey ! cria Charles ; Nancey, à moi, à moi ! je l’ordonne, je le veux, Nancey, arrêtez ma mère, arrêtez mon frère, arrêtez…
Une gorgée de sang coupa la parole à Charles au moment où le capitaine des gardes ouvrit la porte, et le roi suffoqué râla sur son lit.
Nancey n’avait entendu que son nom ; les ordres qui l’avaient suivi, prononcés d’une voix moins distincte, s’étaient perdus dans l’espace.
— Gardez la porte, dit Henri, et ne laissez entrer personne.
Nancey salua et sortit.
Henri reporta ses yeux sur ce corps inanimé et qu’on eût pu prendre pour un cadavre, si un léger souffle n’eût agité la frange d’écume qui bordait ses lèvres.
Il regarda longtemps ; puis se parlant à lui-même :
— Voici l’instant suprême, dit-il, faut-il régner, faut-il vivre ?
Au même instant la tapisserie de l’alcôve se souleva, une tête pâlie parut derrière, et une voix vibra au milieu du silence de mort qui régnait dans la chambre royale :
— Vivez, dit cette voix.
— René ! s’écria Henri.
— Oui, sire.
— Ta prédiction était donc fausse : je ne serai donc pas roi ? s’écria Henri.
— Vous le serez, sire, mais l’heure n’est pas encore venue.
— Comment le sais-tu ? parle, que je sache si je dois te croire.
— Écoutez.
— J’écoute.
— Baissez-vous.
Henri s’inclina au-dessus du corps de Charles. René se pencha de son côté. La largeur du lit les séparait seule, et encore la distance était-elle diminuée par leur double mouvement. Entre eux deux était couché et toujours sans voix et sans mouvement le corps du roi moribond.
— Écoutez, dit René : placé ici par la reine mère pour vous perdre, j’aime mieux vous servir, moi, car j’ai confiance en votre horoscope ; en vous servant je trouve à la fois, dans ce que je fais, l’intérêt de mon corps et de mon âme.