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avec ce sourire blêmissant, plus terrible chez lui que n’avait jamais été la menace chez un autre.

— Oui, balbutia Catherine.

— Un livre de chasse ?

— Oui.

— Prenez-le, et apportez-le-moi.

Catherine, malgré son assurance, pâlit, trembla de tous ses membres, et allongeant la main dans l’intérieur du coffre :

— Fatalité ! murmura-t-elle en prenant le livre.

— Bien, dit Charles. Écoutez maintenant : ce livre de chasse… j’étais insensé… j’aimais la chasse, au-dessus de toutes choses… ce livre de chasse, je l’ai trop lu ; comprenez-vous, Madame ?…

Catherine poussa un gémissement sourd.

— C’était une faiblesse, continua Charles ; brûlez-le, Madame ! il ne faut pas qu’on sache les faiblesses des rois !

Catherine s’approcha de la cheminée ardente, laissa tomber le livre au milieu du foyer, et demeura debout, immobile et muette, regardant d’un œil atone les flammes bleuissantes qui rongeaient les feuilles empoisonnées.

À mesure que le livre brûlait, une forte odeur d’ail se répandait dans toute la chambre.

Bientôt il fut entièrement dévoré.

— Et maintenant, Madame, appelez mon frère, dit Charles avec une irrésistible majesté.

Catherine, frappée de stupeur, écrasée sous une émotion multiple que sa profonde sagacité ne pouvait analyser, et que sa force presque surhumaine ne pouvait combattre, fit un pas en avant et voulut parler.

La mère avait un remords ; la reine avait une terreur ; l’empoisonneuse avait un retour de haine.

Ce dernier sentiment domina tous les autres.

— Maudit soit-il, s’écria-t-elle en s’élançant hors de la chambre, il triomphe, il touche au but ; oui, maudit, qu’il soit maudit !

— Vous entendez, mon frère, mon frère Henri, cria Charles poursuivant sa mère de la voix ; mon frère Henri à qui je veux parler à l’instant même au sujet de la régence du royaume.

Presque au même instant, maître Ambroise Paré entra par