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çait en plongeant sous la terre. Au même instant un courant d’air passa, faisant voler quelques étincelles de la torche et jetant au visage des princesses l’odeur nauséabonde de la moisissure et du sang.

Henriette s’appuya, blanche comme une statue d’albâtre, sur le bras de son amie à la marche plus assurée ; mais au premier degré elle chancela.

— Oh ! je ne pourrai jamais, dit-elle.

— Quand on aime bien, Henriette, répliqua la reine, on doit aimer jusque dans la mort.

C’était un spectacle horrible et touchant à la fois que celui que présentaient ces deux femmes resplendissantes de jeunesse, de beauté, de parure, se courbant sous la voûte ignoble et crayeuse, la plus faible s’appuyant à la plus forte, et la plus forte s’appuyant au bras du bourreau.

On arriva à la dernière marche.

Au fond du caveau gisaient deux formes humaines recouvertes par un large drap de serge noire.

Caboche leva un coin de voile, approcha son flambeau et dit :

— Regardez, madame la reine.

Dans leurs habits noirs, les deux jeunes gens étaient couchés côte à côte avec l’effrayante symétrie de la mort. Leurs têtes, inclinées et rapprochées du tronc, semblaient séparées seulement au milieu du cou par un cercle de rouge vif. La mort n’avait pas désuni leurs mains, car, soit hasard, soit pieuse attention du bourreau, la main droite de La Mole reposait dans la main gauche de Coconnas.

Il y avait un regard d’amour sous les paupières de La Mole, il y avait un sourire de dédain sous celles de Coconnas.

Marguerite s’agenouilla près de son amant, et de ses mains éblouissantes de pierreries leva doucement cette tête qu’elle avait tant aimée.

Quant à la duchesse de Nevers, appuyée à la muraille, elle ne pouvait détacher son regard de ce pâle visage sur lequel tant de fois elle avait cherché la joie et l’amour.

— La Mole ! cher La Mole ! murmura Marguerite.

— Annibal ! Annibal ! s’écria la duchesse de Nevers, si beau, si fier, si brave, tu ne me réponds plus !…

Et un torrent de larmes s’échappa de ses yeux.