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— Soyez tranquille. Mais essayez un peu de tenir la tête droite.

La Mole redressa le cou, et tournant les yeux vers la petite tourelle :

— Adieu, Marguerite, dit-il, sois bé…

Il n’acheva pas. D’un revers de son glaive rapide et flamboyant comme un éclair, Caboche fit tomber d’un seul coup la tête, qui alla rouler aux pieds de Coconnas.

Le corps s’étendit doucement comme s’il se couchait.

Un cri immense retentit formé de mille cris, et dans toutes ces voix de femmes il sembla à Coconnas qu’il avait entendu un accent plus douloureux que tous les autres.

— Merci, mon digne ami, merci, dit Coconnas, qui tendit une troisième fois la main au bourreau.

— Mon fils, dit le prêtre à Coconnas, n’avez-vous rien à confier à Dieu ?

— Ma foi, non, mon père, dit le Piémontais : tout ce que j’aurais à lui dire, je vous l’ai dit à vous-même hier.

Puis se retournant vers Caboche :

— Allons, bourreau, mon dernier ami, dit-il, encore un service. Et avant de s’agenouiller il promena sur la foule un regard si calme et si serein qu’un murmure d’admiration vint caresser son oreille et faire sourire son orgueil. Alors pressant la tête de son ami et déposant un baiser sur ses lèvres violettes, il jeta un dernier regard sur la tourelle ; et s’agenouillant, tout en conservant cette tête bien-aimée entre ses mains :

— À moi, dit-il.

Il n’avait pas achevé ces mots que Caboche avait fait voler sa tête.

Ce coup fait, un tremblement convulsif s’empara du digne homme.

— Il était temps que cela finît, murmura-t-il ; pauvre enfant !

Et il tira avec peine des mains crispées de La Mole le reliquaire d’or ; il jeta son manteau sur les tristes dépouilles que le tombereau devait ramener chez lui.

Le spectacle étant fini, la foule s’écoula.