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Il lui fallut toute sa volonté, toute sa prudence, toute sa puissance sur lui-même pour ne pas sauter en bas de la litière dès que, porté dans la chapelle, il aperçut dans le chœur, et à trois pas de l’autel, une masse gisante dans un grand manteau blanc.

C’était La Mole.

Les deux soldats qui accompagnaient la litière s’étaient arrêtés en dehors de la porte.

— Puisqu’on nous fait cette suprême grâce de nous réunir encore une fois, dit Coconnas alanguissant sa voix, portez-moi près de mon ami.

Les porteurs n’avaient aucun ordre contraire, ils ne firent donc aucune difficulté d’accorder la demande de Coconnas.

La Mole était sombre et pâle, sa tête était appuyée au marbre de la muraille ; ses cheveux noirs, baignés d’une sueur abondante, qui donnait à son visage la mate pâleur de l’ivoire, semblaient avoir conservé leur raideur après s’être hérissés sur sa tête.

Sur un signe du porte-clefs les deux valets s’éloignèrent pour aller chercher le prêtre que demanda Coconnas.

C’était le signal convenu.

Coconnas les suivait des yeux avec anxiété ; mais il n’était pas le seul dont le regard ardent était fixé sur eux. À peine eurent-ils disparu, que deux femmes s’élancèrent de derrière l’autel et firent irruption dans le chœur avec des frémissements de joie qui les précédaient, agitant l’air comme un souffle chaud et bruyant précède l’orage.

Marguerite se précipita vers La Mole et le saisit dans ses bras.

La Mole poussa un cri terrible, un de ces cris comme en avait entendu Coconnas dans son cachot et qui avaient failli le rendre fou.

— Mon Dieu ! qu’y a-t-il donc, La Mole ? dit Marguerite se reculant d’effroi.

La Mole poussa un gémissement profond et porta ses mains à ses yeux comme pour ne pas voir Marguerite.

Marguerite fut épouvantée plus encore de ce silence et de ce geste que du cri de douleur qu’avait poussé La Mole.

— Oh ! s’écria-t-elle, qu’as-tu donc ? tu es tout en sang.

Coconnas, qui s’était élancé vers l’autel, qui avait pris le poignard, qui tenait déjà Henriette enlacée, se retourna.