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pour tout le monde, et même pour mes valets, vous avez les jambes brisées, et qu’à chaque mouvement vous devez pousser un cri.

— Aïe ! fit Coconnas rien qu’en voyant les deux valets approcher de lui la litière ?

— Allons ! allons ! un peu de courage, dit Caboche ; si vous criez déjà, que direz-vous donc tout à l’heure ?

— Mon cher Caboche, dit Coconnas, ne me laissez pas toucher, je vous en supplie, par vos estimables acolytes ; peut-être n’auraient-ils pas la main aussi légère que vous.

— Posez la litière près du chevalet, dit maître Caboche.

Les deux valets obéirent. Maître Caboche prit Coconnas dans ses bras comme il aurait fait d’un enfant, et le déposa couché sur le brancard ; mais malgré toutes ces précautions Coconnas poussa des cris féroces.

Le brave guichetier apparut alors avec une lanterne.

— À la chapelle, dit-il.

Et les porteurs de Coconnas se mirent en route après que Coconnas eut donné à Caboche une seconde poignée de main.

La première avait trop bien réussi au Piémontais pour qu’il fît désormais le difficile.




XXVIII

la chapelle.


Le lugubre cortège traversa dans le plus profond silence les deux ponts-levis du donjon et la grande cour du château qui mène à la chapelle, et aux vitraux de laquelle une pâle lumière colorait les figures livides des apôtres en robes rouges.

Coconnas aspirait avidement l’air de la nuit, quoique cet air fût tout chargé de pluie. Il regardait l’obscurité profonde et s’applaudissait de ce que toutes ces circonstances étaient propices à sa fuite et à celle de son compagnon.