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— Eh ! mordieu ! je vous l’ai déjà dit, je prenais le frais.

— Allez, dit le juge.

— Avouez, lui glissa Caboche à l’oreille.

— Quoi ?

— Tout ce que vous voudrez, mais avouez quelque chose.

Et il donna le second coup non moins bien appliqué que le premier.

Coconnas pensa s’étrangler à force de crier.

— Oh ! la, la, dit-il. Que désirez-vous savoir, Monsieur ? par ordre de qui j’étais dans le bois ?

— Oui, Monsieur.

— J’y étais par ordre de M. d’Alençon.

— Écrivez, dit le juge.

— Si j’ai commis un crime en tendant un piège au roi de Navarre, continua Coconnas, je n’étais qu’un instrument, Monsieur, et j’obéissais à mon maître.

Le greffier se mit à écrire.

— Oh ! tu m’as dénoncé, face blême, murmura le patient, attends, attends.

Et il raconta la visite de François au roi de Navarre, les entrevues entre de Mouy et M. d’Alençon, l’histoire du manteau rouge, le tout en hurlant par réminiscence et en se faisant ajouter de temps en temps un coup de marteau.

Enfin il donna tant de renseignements précis, véridiques, incontestables, terribles contre M. le duc d’Alençon ; il fit si bien paraître ne les accorder qu’à la violence des douleurs ; il grimaça, rugit, se plaignit si naturellement, et sur tant d’intonations différentes, que le juge lui-même finit par s’effaroucher d’avoir à enregistrer des détails si compromettants pour un fils de France.

— Eh bien, à la bonne heure ! disait Caboche, voici un gentilhomme à qui il n’est pas besoin de dire les choses à deux fois et qui fait bonne mesure au greffier. Jésus-Dieu ! que serait-ce donc, si, au lieu d’être de cuir, les coins étaient de bois !

Aussi fit-on grâce à Coconnas du dernier coin de l’extraordinaire ; mais, sans compter celui-là, il avait eu affaire à neuf autres, ce qui suffisait parfaitement à lui mettre les jambes en bouillie.

Le juge fit valoir à Coconnas la douceur qu’il lui accordait en faveur de ses aveux et se retira.