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— Et pourquoi faire ? s’écria-t-il, ne trouvant pas d’autres mots que cette naïveté pour exprimer la foule de pensées qui venaient de surgir dans son esprit.

En effet, cette torture était pour Coconnas le renversement complet de ses espérances ; il ne serait conduit à la chapelle qu’après la torture, et de cette torture on mourait souvent ; on en mourait d’autant mieux qu’on était plus brave et plus fort, car alors on regardait comme une lâcheté d’avouer ; et tant qu’on n’avouait pas, la torture continuait, et non seulement continuait, mais redoublait de force.

Le juge se dispensa de répondre à Coconnas, la suite de l’arrêt répondant pour lui ; seulement il continua :

« Afin de le forcer d’avouer ses complices, complots et machinations dans le détail. »

— Mordi ! s’écria Coconnas, voilà ce que j’appelle une infamie ; voilà ce que j’appelle bien plus qu’une infamie, voilà ce que j’appelle une lâcheté.

Accoutumé aux colères des victimes, colères que la souffrance calme en les changeant en larmes, le juge impassible ne fit qu’un seul geste.

Coconnas, saisi par les pieds et par les épaules, fut renversé, emporté, couché et attaché sur le lit de la question avant d’avoir pu regarder même ceux qui lui faisaient cette violence.

— Misérables ! hurlait Coconnas, secouant dans un paroxysme de fureur le lit et les tréteaux de manière à faire reculer les tourmenteurs eux-mêmes ; misérables ! torturez-moi, brisez-moi, mettez-moi en morceaux, vous ne saurez rien, je vous le jure ! Ah ! vous croyez que c’est avec des morceaux de bois et avec des morceaux de fer qu’on fait parler un gentilhomme de mon nom ! Allez, allez, je vous en défie.

— Préparez-vous à écrire, greffier, dit le juge.

— Oui, prépare-toi ! hurla Coconnas, et si tu écris tout ce que je vais vous dire à tous, infâmes bourreaux, tu auras de l’ouvrage. Écris, écris.

— Voulez-vous faire des révélations ? dit le juge de sa même voix calme.

— Rien, pas un mot ; allez au diable.

— Vous réfléchirez, Monsieur, pendant les préparatifs. Allons, maître, ajustez les bottines à Monsieur.