s’endormir au murmure sourd et monotone du vent, quand il lui sembla que ce vent, qu’il écoutait parfois avec un sentiment de mélancolie qu’il n’avait jamais éprouvé avant qu’il fût en prison, sifflait plus étrangement que d’habitude sous toutes les portes, et que le poêle ronflait avec plus de rage qu’à l’ordinaire. Ce phénomène avait lieu chaque fois qu’on ouvrait un des cachots de l’étage supérieur et surtout celui d’en face. C’est à ce bruit qu’Annibal reconnaissait toujours que le geôlier allait venir, attendu que ce bruit indiquait qu’il sortait de chez La Mole.
Cependant, cette fois, Coconnas demeura inutilement le cou tendu et l’oreille au guet.
Le temps s’écoula, personne ne vint.
— C’est étrange, dit Coconnas, on a ouvert chez La Mole et l’on n’ouvre pas chez moi. La Mole aurait-il appelé ? serait-il malade ? que veut dire cela ?
Tout est soupçon et inquiétude comme tout est joie et espoir pour un prisonnier.
Une demi-heure s’écoula, puis une heure, puis une heure et demie.
Coconnas commençait à s’endormir de dépit, quand le bruit de la serrure le fit bondir.
— Oh ! oh ! dit-il, est-ce déjà l’heure du départ et va-t-on nous conduire à la chapelle sans être condamnés ? Mordi ! ce serait un plaisir de fuir par une nuit pareille, il fait noir comme dans un four ; pourvu que les chevaux ne soient point aveuglés !
Il se préparait à questionner gaiement le porte-clefs, quand il vit celui-ci appliquer son doigt sur ses lèvres en roulant des yeux très éloquents.
En effet, derrière le geôlier on entendait du bruit et l’on apercevait des ombres.
Tout à coup, au milieu de l’obscurité, il distingua deux casques sur chacun desquels la chandelle fumeuse envoya une paillette d’or.
— Oh ! oh ! demanda-t-il à demi voix, qu’est-ce que c’est que cet appareil sinistre ? où allons-nous donc ?
Le geôlier ne répondit que par un soupir qui ressemblait fort à un gémissement.
— Mordi ! murmura Coconnas, quelle peste d’existence ! toujours des extrêmes, jamais de terre ferme : on barbote