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prévu, même le lieu de notre retraite. Nous allons en Lorraine, cher ami. En vérité, j’eusse mieux aimé aller en Navarre ; en Navarre, j’étais chez elle, mais la Navarre est trop loin, Nancy vaut mieux ; d’ailleurs, là, nous ne serons qu’à quatre-vingts lieues de Paris. Sais-tu un regret que j’emporte, Annibal, en sortant d’ici ?

— Ah ! ma foi, non… par exemple. Quant à moi, j’avoue que j’y laisse tous les miens.

— Eh bien ! c’est de ne pouvoir emmener avec nous le digne geôlier au lieu de…

— Mais il ne voudrait pas, dit Coconnas, il y perdrait trop : songe donc, cinq cents écus de nous, une récompense du gouvernement, de l’avancement peut-être ; comme il vivra heureux ce gaillard-là, quand je l’aurai tué !… Mais qu’as-tu donc ?

— Rien ! Une idée qui me passe par l’esprit.

— Elle n’est pas drôle, à ce qu’il paraît, car tu pâlis affreusement.

— C’est que je me demande pourquoi on nous mènerait à la chapelle.

— Tiens ! dit Coconnas, pour faire nos pâques. Voilà le moment, ce me semble.

— Mais, dit La Mole, on ne conduit à la chapelle que les condamnés à mort ou les torturés.

— Oh ! oh ! fit Coconnas en pâlissant légèrement à son tour, ceci mérite attention. Interrogeons sur ce point le brave homme que je dois éventrer incessamment. Eh ! porte-clefs, mon ami !

— Monsieur m’appelle ? dit le geôlier qui faisait le guet sur les premières marches de l’escalier.

— Oui, viens çà.

— Me voici.

— Il est convenu que c’est de la chapelle que nous nous sauverons, n’est-ce pas ?

— Chut ! dit le porte-clefs en regardant avec effroi autour de lui.

— Sois tranquille, personne ne nous écoute.

— Oui, Monsieur, c’est de la chapelle.

— On nous y conduira donc à la chapelle !

— Sans doute, c’est l’usage.

— C’est l’usage ?