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nous jetons chacune un manteau sur les épaules de nos amis ; nous fuyons avec eux par la petite porte de la sacristie, et comme nous avons le mot d’ordre, nous sortons sans empêchement.

— Et une fois sortis ?

— Deux chevaux les attendent à la porte ; ils sautent dessus, quittent l’Île-de-France et gagnent la Lorraine, d’où de temps en temps ils reviennent incognito.

— Oh ! tu me rends la vie, dit Marguerite. Ainsi nous les sauverons ?

— J’en répondrais presque.

— Et cela bientôt ?

— Dame ! dans trois ou quatre jours ; Beaulieu nous préviendra.

— Mais si l’on te reconnaît dans les environs de Vincennes, cela peut faire du tort à notre projet.

— Comment veux-tu que l’on me reconnaisse ? Je sors en religieuse avec une coiffe, grâce à laquelle on ne me voit pas même le bout du nez.

— C’est que nous ne pouvons prendre trop de précautions.

— Je le sais bien, mordi ! comme dirait le pauvre Annibal.

— Et le roi de Navarre, t’en es-tu informée ?

— Je n’ai eu garde d’y manquer.

— Eh bien ?

— Eh bien, il n’a jamais été si joyeux, à ce qu’il paraît ; il rit, il chante, il fait bonne chère, et ne demande qu’une chose, c’est d’être bien gardé.

— Il a raison. Et ma mère ?

— Je te l’ai dit, elle pousse tant qu’elle peut le procès.

— Oui, mais elle ne se doute de rien relativement à nous ?

— Comment voudrais-tu qu’elle se doutât de quelque chose ? Tous ceux qui sont du secret ont intérêt à le garder. Ah ! j’ai su qu’elle avait fait dire aux juges de Paris de se tenir prêts.

— Agissons vite, Henriette. Si nos pauvres captifs changeaient de prison, tout serait à recommencer.

— Sois tranquille, je désire autant que toi de les voir dehors.

— Oh ! oui, je le sais bien, et merci, merci cent fois de ce que tu fais pour en arriver là.