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— Je ne me suis occupée que de cela depuis hier.

— Eh bien ?

— Je viens de conclure avec Beaulieu. Ah ! ma chère reine, quel homme difficile et cupide ! Cela coûtera la vie d’un homme et trois cent mille écus.

— Tu dis qu’il est difficile et cupide et cependant il ne demande que la vie d’un homme et trois cent mille écus… Mais c’est pour rien !

— Pour rien… trois cent mille écus !… Mais tous tes joyaux et tous les miens n’y suffiraient pas.

— Oh ! qu’à cela ne tienne. Le roi de Navarre payera, le duc d’Alençon payera, mon frère Charles payera, ou sinon…

— Allons ! tu raisonnes comme une folle. Je les ai, les trois cent mille écus.

— Toi ?

— Oui, moi.

— Et comment te les es-tu procurés ?

— Ah ! voilà !

— C’est un secret ?

— Pour tout le monde, excepté pour toi.

— Oh ! mon Dieu ! dit Marguerite souriant au milieu de ses larmes, les aurais-tu volés ?

— Tu en jugeras.

— Voyons.

— Tu te rappelles cet horrible Nantouillet ?

— Le richard, l’usurier ?

— Si tu veux.

— Eh bien ?

— Eh bien ! tant il y a qu’un jour en voyant passer certaine femme blonde, aux yeux verts, coiffée de trois rubis posés l’un au front, les deux autres aux tempes, coiffure qui lui va si bien, et ignorant que cette femme était une duchesse, ce richard, cet usurier s’écria :

« Pour trois baisers à la place de ces trois rubis, je ferais naître trois diamants de cent mille écus chacun ! »

— Eh bien, Henriette ?

— Eh bien, ma chère, les diamants sont éclos et vendus.

— Oh ! Henriette ! Henriette ! murmura Marguerite.

— Tiens ! s’écria la duchesse avec un accent d’impudeur naïf et sublime à la fois, qui résume et le siècle et la femme, tiens ! j’aime Annibal, moi !