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lui avait montré cette figure toute faite. On lui demanda si cette figure ne représentait pas un homme. Il répondit qu’elle représentait une femme. On lui demanda si le charme n’avait point pour but de faire mourir cet homme. Il répondit que le but de ce charme était de se faire aimer de cette femme.

Ces questions furent faites, tournées et retournées de cent façons différentes ; mais à toutes ces questions, sous quelque face qu’elles lui fussent présentées, La Mole fit constamment les mêmes réponses.

Les juges se regardèrent avec une sorte d’indécision, ne sachant que trop dire ni que faire devant une pareille simplicité, lorsqu’un billet apporté au procureur général trancha la difficulté.

Il était conçu en ces termes :


« Si l’accusé nie, recourez à la question.

« C. »


Le procureur mit le billet dans sa poche, sourit à La Mole, et le congédia poliment. La Mole rentra dans son cachot presque aussi rassuré sinon presque aussi joyeux que Coconnas.

— Je crois que tout va bien, dit-il.

Une heure après il entendit des pas et vit un billet qui se glissait sous la porte, sans voir quelle main lui donnait le mouvement. Il le prit, tout en pensant que la dépêche venait, selon toute probabilité, du guichetier.

En voyant ce billet, un espoir presque aussi douloureux qu’une déception lui était venu au cœur ; il espérait que ce billet était de Marguerite, dont il n’avait eu aucune nouvelle depuis qu’il était prisonnier. Il s’en saisit tout tremblant. L’écriture faillit le faire mourir de joie.

« Courage, disait le billet, je veille. »

— Ah ! si elle veille, s’écria La Mole en couvrant de baisers ce papier qu’avait touché une main si chère, si elle veille, je suis sauvé !…

Il faut, pour que La Mole comprenne ce billet et pour qu’il ait foi avec Coconnas dans ce que le Piémontais appelait ses boucliers invisibles, que nous ramenions le lecteur à cette petite maison, à cette chambre où tant de scènes d’un bonheur enivrant, où tant de parfums à peine évaporés, où