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— Qui ?

— Mon frère… d’Alençon ?… murmura Marguerite.

— Peut-être.

— Ou bien, ou bien… Marguerite baissa la voix comme épouvantée elle-même de ce qu’elle allait dire, ou bien… notre mère ?

Charles se tut.

Marguerite le regarda, lut dans son regard tout ce qu’elle y cherchait, et tomba toujours à genoux et demi-renversée sur un fauteuil.

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! murmura-t-elle, c’est impossible !

— Impossible ! dit Charles avec un rire strident, il est fâcheux que René ne soit pas ici, il te raconterait mon histoire.

— Lui, René ?

— Oui. Il te raconterait, par exemple, qu’une femme à laquelle il n’ose rien refuser a été lui demander un livre de chasse enfoui dans sa bibliothèque ; qu’un poison subtil a été versé sur chaque page de ce livre ; que le poison, destiné à quelqu’un, je ne sais à qui, est tombé par un caprice du hasard, ou par un châtiment du ciel, sur une autre personne que celle à qui il était destiné. Mais en l’absence de René, si tu veux voir le livre, il est là, dans mon cabinet, et, écrit de la main du Florentin, tu verras que ce livre, qui contient dans ses feuilles la mort de vingt personnes encore, a été donné de sa main à sa compatriote.

— Silence, Charles, à ton tour, silence, dit Marguerite.

— Tu vois bien maintenant qu’il faut qu’on croie que je meurs par magie.

— Mais c’est inique, mais c’est affreux ! grâce ! grâce ! vous savez bien qu’il est innocent.

— Oui, je le sais, mais il faut qu’on le croie coupable. Souffre donc la mort de ton amant ; c’est peu pour sauver l’honneur de la maison de France. Je souffre bien la mort pour que le secret meure avec moi.

Marguerite courba la tête, comprenant qu’il n’y avait rien à faire pour sauver La Mole du côté du roi, et se retira toute pleurante et n’ayant plus d’espoir qu’en ses propres ressources.

Pendant ce temps, comme l’avait prévu Charles, Cathe-