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peut-être tant de besogne qu’il n’y aurait plus moyen d’y remédier.

En ce moment, comme il regardait la portière retombant derrière Catherine, il entendit un léger froissement derrière lui, et se retournant il aperçut Marguerite qui soulevait la tapisserie retombant devant le corridor qui conduisait chez sa nourrice.

Marguerite dont la pâleur, les yeux hagards et la poitrine oppressée décelaient la plus violente émotion.

— Oh ! sire, sire ! s’écria Marguerite en se précipitant vers le lit de son frère, vous savez bien qu’elle ment !

— Qui, elle ? demanda Charles.

— Écoutez, Charles : certes, c’est terrible d’accuser sa mère ; mais je me suis douté qu’elle resterait près de vous pour les poursuivre encore. Mais, sur ma vie, sur la vôtre, sur notre âme à tous les deux, je vous dis qu’elle ment !

— Les poursuivre !… qui poursuit-elle ?…

Tous les deux parlaient bas par instinct : on eût dit qu’ils avaient peur de s’entendre eux-mêmes.

— Henri d’abord, votre Henriot, qui vous aime, qui vous est dévoué plus que personne au monde.

— Tu le crois, Margot ? dit Charles.

— Oh ! sire, j’en suis sûre.

— Eh bien, moi aussi, dit Charles.

— Alors, si vous en êtes sûr, mon frère, dit Marguerite étonnée, pourquoi l’avez-vous fait arrêter et conduire à Vincennes ?

— Parce qu’il me l’a demandé lui-même.

— Il vous l’a demandé, sire ?…

— Oui, il a de singulières idées, Henriot. Peut-être se trompe-t-il, peut-être a-t-il raison ; mais enfin, une de ses idées, c’est qu’il est plus en sûreté dans ma disgrâce que dans ma faveur, loin de moi que près de moi, à Vincennes qu’au Louvre.

— Ah ! je comprends, dit Marguerite, et il est en sûreté alors ?

— Dame ! aussi en sûreté que peut l’être un homme dont Beaulieu me répond sur sa tête.

— Oh ! merci, mon frère, voilà pour Henri. Mais…

— Mais quoi ? demanda Charles.

— Mais il y a une autre personne, sire, à laquelle j’ai tort