— Ah ! ah ! c’est vrai, dit Charles ; merci de me l’avoir rappelé. Il y a plus, il me souvient que vous m’avez promis, lorsque nous serions en tête-à-tête, de me répondre franchement.
— Je suis prêt à tenir cette promesse. Interrogez, sire.
Le roi versa de l’eau froide dans sa main, et posa sa main sur son front.
— Qu’y a-t-il de vrai dans l’accusation du duc d’Alençon ? Voyons, répondez, Henri.
— La moitié seulement : c’était M. d’Alençon qui devait fuir, et moi qui devais l’accompagner.
— Et pourquoi deviez-vous l’accompagner ? demanda Charles : êtes-vous donc mécontent de moi, Henri ?
— Non, sire, au contraire ; je n’ai qu’à me louer de Votre Majesté ; et Dieu, qui lit dans les cœurs, voit dans le mien quelle profonde affection je porte à mon frère et à mon roi.
— Il me semble, dit Charles, qu’il n’est point dans la nature de fuir les gens que l’on aime et qui nous aiment !
— Aussi, dit Henri, je ne fuyais pas ceux qui m’aiment, je fuyais ceux qui me détestent. Votre Majesté me permet-elle de lui parler à cœur ouvert ?
— Parlez, Monsieur.
— Ceux qui me détestent ici, sire, c’est M. d’Alençon et la reine mère.
— M. d’Alençon, je ne dis pas, reprit Charles, mais la reine mère vous comble d’attentions.
— C’est justement pour cela que je me défie d’elle, sire. Et bien m’en a pris de m’en défier !
— D’elle ?
— D’elle ou de ceux qui l’entourent. Vous savez que le malheur des rois, sire, n’est pas toujours d’être trop mal, mais trop bien servis.
— Expliquez-vous : c’est un engagement pris de votre part de tout me dire.
— Et Votre Majesté voit que je l’accomplis.
— Continuez.
— Votre Majesté m’aime, m’a-t-elle dit ?
— C’est-à-dire que je vous aimais avant votre trahison, Henriot.
— Supposez que vous m’aimez toujours, sire.
— Soit !