Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oh ! dit Coconnas, j’espérais que Votre Altesse m’avait pardonné une lettre écrite dans un premier mouvement de mauvaise humeur. J’avais appris que Votre Altesse avait voulu, dans un corridor du Louvre, étrangler mon ami La Mole.

— Eh bien, interrompit le roi, que dit-il donc ?

— J’avais cru que Votre Altesse était seule, continua ingénument La Mole. Mais depuis que j’ai su que trois autres personnes…

— Silence ! dit Charles, nous sommes suffisamment renseigné. Henri, dit-il au roi de Navarre, votre parole de ne pas fuir ?

— Je la donne à Votre Majesté, sire.

— Retournez à Paris avec M. de Nancey et prenez les arrêts dans votre chambre. Vous, Messieurs, continua-t-il en s’adressant aux deux gentilshommes, rendez vos épées.

La Mole regarda Marguerite. Elle sourit.

Aussitôt La Mole remit son épée au capitaine qui était le plus proche de lui.

Coconnas en fit autant.

— Et M. de Mouy, l’a-t-on retrouvé ? demanda le roi.

— Non, sire, dit M. de Nancey ; ou il n’était pas dans la forêt, ou il s’est sauvé.

— Tant pis, dit le roi. Retournons. J’ai froid, je suis ébloui.

— Sire, c’est la colère sans doute, dit François.

— Oui, peut-être. Mes yeux vacillent. Où sont donc les prisonniers ? Je n’y vois plus. Est-ce donc déjà la nuit ? Oh ! miséricorde ! je brûle !… À moi ! à moi !

Et le malheureux roi lâchant la bride de son cheval, étendant les bras, tomba en arrière, soutenu par les courtisans épouvantés de cette seconde attaque.

François, à l’écart, essuyait la sueur de son front, car lui seul connaissait la cause du mal qui torturait son frère.

De l’autre côté, le roi de Navarre, déjà sous la garde de M. de Nancey, considérait toute cette scène avec un étonnement croissant.

— Eh ! eh ! murmura-t-il avec cette prodigieuse intuition qui par moments faisait de lui un homme illuminé pour ainsi dire, si j’allais me trouver heureux d’avoir été arrêté dans ma fuite ?