— Sire, nous devisions de faits de guerre et d’amour.
— À cheval ! armés jusqu’aux dents ! prêts à fuir !
— Non pas, sire, dit Coconnas, et Votre Majesté est mal renseignée. Nous étions couchés sous l’ombre d’un hêtre… sub tegmine fagi.
— Ah ! vous étiez couchés sous l’ombre d’un hêtre ?
— Et nous eussions même pu fuir, si nous avions cru avoir en quelque façon encouru la colère de Votre Majesté. Voyons, Messieurs, sur votre parole de soldats, dit Coconnas en se retournant vers les chevau-légers, croyez-vous que si nous l’eussions voulu, nous pouvions nous échapper ?
— Le fait est, dit le lieutenant, que ces Messieurs n’ont pas fait un mouvement pour fuir.
— Parce que leurs chevaux étaient loin, dit le duc d’Alençon.
— J’en demande humblement pardon à Monseigneur, dit Coconnas, mais j’avais le mien entre les jambes, et mon ami le comte Lerac de La Mole tenait le sien par la bride.
— Est-ce vrai, Messieurs ? dit le roi.
— C’est vrai, sire, répondit le lieutenant ; M. de Coconnas en nous apercevant est même descendu du sien.
Coconnas grimaça un sourire qui signifiait : Vous voyez bien, sire !
— Mais ces chevaux de main, mais ces mules, mais ces coffres dont elles sont chargées ? demanda François.
— Eh bien, dit Coconnas, est-ce que nous sommes des valets d’écurie ? faites chercher le palefrenier qui les gardait.
— Il n’y est pas, dit le duc furieux.
— Alors, c’est qu’il aura pris peur et se sera sauvé, reprit Coconnas ; on ne peut pas demander à un manant d’avoir le calme d’un gentilhomme.
— Toujours le même système, dit d’Alençon en grinçant des dents. Heureusement, sire, je vous ai prévenu que ces Messieurs depuis quelques jours n’étaient plus à mon service.
— Moi ! dit Coconnas, j’aurais le malheur de ne plus appartenir à Votre Altesse ?…
— Eh ! morbleu ! Monsieur, vous le savez mieux que personne, puisque vous m’avez donné votre démission dans une lettre assez impertinente que j’ai conservée, Dieu merci, et que par bonheur j’ai sur moi.