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dilater ; car instinctivement il désirait que tout ce que son frère l’avait forcé de faire retombât sur lui.

— Il échappera encore, murmura François en pâlissant.

En ce moment le roi fut saisi de douleurs d’entrailles si violentes qu’il lâcha la bride, saisit ses flancs des deux mains, et poussa des cris comme un homme en délire.

Henri s’approcha avec empressement ; mais pendant le temps qu’il avait mis à parcourir les deux cents pas qui le séparaient de son frère, Charles était déjà remis.

— D’où venez-vous, Monsieur ? dit le roi avec une dureté de voix qui émut Marguerite.

— Mais… de la chasse, mon frère, reprit-elle.

— La chasse était au bord de la rivière et non dans la forêt.

— Mon faucon s’est emporté sur un faisan, sire, au moment où nous étions restés en arrière pour voir le héron.

— Et où est le faisan ?

— Le voici ; un beau coq, n’est-ce pas ?

Et Henri, de son air le plus innocent, présenta à Charles son oiseau de pourpre, d’azur et d’or.

— Ah ! ah ! dit Charles ; et ce faisan pris, pourquoi ne m’avez-vous pas rejoint ?

— Parce qu’il avait dirigé son vol vers le parc, sire ; de sorte que, lorsque nous sommes descendus sur le bord de la rivière, nous vous avons vu une demi-lieue en avant de nous, remontant déjà vers la forêt : alors nous nous sommes mis à galoper sur vos traces, car étant de la chasse de Votre Majesté nous n’avons pas voulu la perdre.

— Et tous ces gentilshommes, reprit Charles, étaient-ils invités aussi ?

— Quels gentilshommes ? répondit Henri en jetant un regard circulaire et interrogatif autour de lui.

— Eh ! vos huguenots, pardieu ! dit Charles ; dans tous les cas, si quelqu’un les a invités ce n’est pas moi.

— Non, sire, répondit Henri, mais c’est peut-être M. d’Alençon.

— M. d’Alençon ! comment cela ?

— Moi ! fit le duc.

— Eh ! oui, mon frère, reprit Charles, n’avez-vous pas annoncé hier que vous étiez roi de Navarre ? Eh bien, les huguenots qui vous ont demandé pour roi viennent vous