Mouy était déjà à une trop grande distance pour l’entendre, et surtout pour lui répondre.
Coconnas eut bientôt pris son parti. Tandis que La Mole restait immobile et suivait des yeux de Mouy qui disparaissait entre les branches qui s’ouvraient devant lui et se refermaient sur lui, il courut aux chevaux, les amena, sauta sur le sien, jeta la bride de l’autre aux mains de La Mole, et s’apprêta à piquer.
— Allons, allons ! dit-il, je répéterai ce qu’a dit de Mouy : En route ! Et de Mouy est un monsieur qui parle bien. En route, en route, La Mole !
— Un instant, dit La Mole ; nous sommes venus ici pour quelque chose.
— À moins que ce ne soit pour nous faire pendre, répondit Coconnas, je te conseille de ne pas perdre de temps. Je devine ; tu vas faire de la rhétorique, paraphraser le mot fuir ; parler d’Horace qui jeta son bouclier, et d’Épaminondas qu’on rapporta sur le sien ; moi, je dirai un seul mot : Où fuit M. de Mouy de Saint-Phale, tout le monde peut fuir.
— M. de Mouy de Saint-Phale, dit La Mole, n’est pas chargé d’enlever la reine Marguerite, M. de Mouy de Saint-Phale n’aime pas la reine Marguerite.
— Mordi ! et il fait bien, si cet amour devait lui faire faire des sottises pareilles à celle que je te vois méditer. Que cinq cent mille diables d’enfer enlèvent l’amour qui peut coûter la tête à deux braves gentilshommes ! Corne de bœuf ! comme dit le roi Charles, nous conspirons, mon cher ; et quand on conspire mal, il faut se bien sauver. En selle, en selle, La Mole !
— Sauve-toi, mon cher, je ne t’en empêche pas, et même je t’y invite. Ta vie est plus précieuse que la mienne. Défends donc ta vie.
— Il faut me dire : Coconnas, faisons-nous pendre ensemble ; et non me dire : Coconnas sauve-toi tout seul.
— Bah ! mon ami, répondit La Mole, la corde est faite pour les manants, et non pour des gentilshommes comme nous.
— Je commence à croire, dit Coconnas avec un soupir que la précaution que j’ai prise n’est pas mauvaise.
— Laquelle ?
— De me faire un ami du bourreau.
— Tu es sinistre, mon cher Coconnas.