La peur eut de meilleures ailes que le courage.
Le faucon, emporté par son vol, passa sous le ventre du héron qu’il eût dû dominer. Le héron profita de sa supériorité et lui allongea un coup de son long bec.
Le faucon, frappé comme d’un coup de poignard, fit trois tours sur lui-même, comme étourdi, et un instant on dut croire qu’il allait redescendre. Mais, comme un guerrier blessé qui se relève plus terrible, il jeta une espèce de cri aigu et menaçant et reprit son vol sur le héron.
Le héron avait profité de son avantage, et, changeant la direction de son vol, il avait fait un coude vers la forêt, essayant cette fois de gagner de l’espace et d’échapper par la distance au lieu d’échapper par la hauteur.
Mais le faucon était un animal de noble race, qui avait un coup d’œil de gerfaut.
Il répéta la même manœuvre, piqua diagonalement sur le héron, qui jeta deux ou trois cris de détresse et essaya de monter perpendiculairement comme il l’avait fait une première fois.
Au bout de quelques secondes de cette noble lutte, les deux oiseaux semblèrent sur le point de disparaître dans les nuages. Le héron n’était pas plus gros qu’une alouette, et le faucon semblait un point noir qui, à chaque instant, devenait plus imperceptible.
Charles ni la cour ne suivaient plus les deux oiseaux. Chacun était demeuré à sa place, les yeux fixés sur le fugitif et sur le poursuivant.
— Bravo ! bravo ! Bec-de-Fer ! cria tout à coup Charles. Voyez, voyez, Messieurs, il a le dessus ! Haw ! haw !
— Ma foi, j’avoue que je ne vois plus ni l’un ni l’autre, dit Henri.
— Ni moi non plus, dit Marguerite.
— Oui, mais si tu ne les vois plus, Henriot, tu peux les entendre encore, dit Charles ; le héron du moins. Entends-tu, entends-tu ? il demande grâce !
En effet, deux ou trois cris plaintifs, et qu’une oreille exercée pouvait seule saisir, descendirent du ciel sur la terre.
— Écoute, écoute, cria Charles, et tu iras les voir descendre plus vite qu’ils ne sont montés.
En effet, comme le roi prononçait ces mots, les deux oiseaux commencèrent à reparaître.