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nuages, sortit tout à coup du sombre océan où il s’était plongé. Un rayon de soleil éclaira de sa lumière tout cet or, tous ces joyaux, tous ces yeux ardents, et de toute cette lumière il faisait un torrent de feu.

Alors, et comme s’il n’eût attendu que ce moment pour qu’un beau soleil éclairât sa défaite, un héron s’éleva du sein des roseaux en poussant un cri prolongé et plaintif.

— Haw ! haw ! cria Charles en déchaperonnant son faucon et en le lançant après le fugitif.

— Haw ! haw ! crièrent toutes les voix pour encourager l’oiseau.

Le faucon, un instant ébloui par la lumière, tourna sur lui-même, décrivant un cercle sans avancer ni reculer ; puis tout à coup il aperçut le héron, et prit son vol sur lui à tire-d’aile.

Cependant le héron qui s’était, en oiseau prudent, levé à plus de cent pas des valets de vénerie, avait, pendant que le roi déchaperonnait son faucon et que celui-ci s’était habitué à la lumière, gagné de l’espace, ou plutôt de la hauteur. Il en résulta que lorsque son ennemi l’aperçut, il était déjà à plus de cinq cents pieds de hauteur, et qu’ayant trouvé dans les zones élevées l’air nécessaire à ses puissantes ailes, il montait rapidement.

— Haw ! haw ! Bec-de-Fer, cria Charles, encourageant son faucon, prouve-nous que tu es de race. Haw ! haw !

Comme s’il eût entendu cet encouragement, le noble animal partit, semblable à une flèche, parcourant une ligne diagonale qui devait aboutir à la ligne verticale qu’adoptait le héron, lequel montait toujours comme s’il eût voulu disparaître dans l’éther.

— Ah ! double couard, cria Charles, comme si le fugitif eût pu l’entendre, en mettant son cheval au galop et en suivant la chasse autant qu’il était en lui, la tête renversée en arrière pour ne pas perdre un instant de vue les deux oiseaux. Ah ! double couard, tu fuis. Mons Bec-de-Fer est de race ; attends ! attends ! Haw ! Bec-de-Fer ; haw !

En effet, la lutte fut curieuse, les deux oiseaux se rapprochaient l’un de l’autre, ou plutôt le faucon se rapprochait du héron.

La seule question était de savoir lequel dans cette première attaque conserverait le dessus.