— Que dites-vous, Madame ?
— Je dis qu’il part.
— Vous croyez ?
— J’en suis sûre.
— Alors, il nous échappe ?
— Oui, dit Catherine.
— Et vous le laissez partir ?
— Non seulement je le laisse partir ; mais, je vous dis plus, il faut qu’il parte.
— Je ne vous comprends pas, ma mère.
— Écoutez bien ce que je vais vous dire, François. Un médecin très habile, le même qui m’a remis le livre de chasse que vous allez lui porter, m’a affirmé que le roi de Navarre était sur le point d’être atteint d’une maladie de consomption, d’une de ces maladies qui ne pardonnent pas et auxquelles la science ne peut apporter aucun remède. Or, vous comprenez que s’il doit mourir d’un mal si cruel, il vaut mieux qu’il meure loin de nous que sous nos yeux, à la cour.
— En effet, dit le duc, cela nous ferait trop de peine.
— Et surtout à votre frère Charles, dit Catherine ; tandis que lorsque Henri mourra après lui avoir désobéi, le roi regardera cette mort comme une punition du ciel.
— Vous avez raison, ma mère, dit François avec admiration, il faut qu’il parte. Mais êtes-vous bien sûre qu’il partira ?
— Toutes ses mesures sont prises. Le rendez-vous est dans la forêt de Saint-Germain. Cinquante huguenots doivent lui servir d’escorte jusqu’à Fontainebleau, où cinq cents autres l’attendent.
— Et, dit d’Alençon avec une légère hésitation et une pâleur visible, ma sœur Margot part avec lui ?
— Oui, répondit Catherine, c’est convenu. Mais, Henri mort, Margot revient à la cour, veuve et libre.
— Et Henri mourra, Madame ! vous en êtes certaine ?
— Le médecin qui m’a remis le livre en question me l’a assuré du moins.
— Et ce livre, où est-il, Madame ?
Catherine retourna à pas lents vers le cabinet mystérieux, ouvrit la porte, s’y enfonça, et reparut un instant après, le livre à la main.
— Le voici, dit-elle.