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— Que dit-il ? s’écria Catherine, ne pouvant, malgré sa puissance sur elle-même, recevoir sans crier un peu le coup inattendu qui la frappait.

— Ah ! ah ! fit Charles ; mais cette couronne de Navarre, qu’on fait ainsi sans ma permission voltiger sur toutes les têtes, il me semble cependant qu’elle m’appartient un peu.

— Les huguenots, sire, reconnaissent mieux que personne ce principe de suzeraineté que le roi vient d’émettre. Aussi espéraient-ils engager Votre Majesté à la fixer sur une tête qui lui est chère.

— À moi ! dit Charles, sur une tête qui m’est chère ! Mort-diable ! de quelle tête voulez-vous donc parler, Monsieur ? Je ne vous comprends pas.

— De la tête de M. le duc d’Alençon.

Catherine devint pâle comme la mort, et dévora de Mouy d’un regard flamboyant.

— Et mon frère d’Alençon le savait ?

— Oui, sire.

— Et il acceptait cette couronne ?

— Sauf l’agrément de Votre Majesté, à laquelle il nous renvoyait.

— Oh ! oh ! dit Charles, en effet, c’est une couronne qui ira à merveille à notre frère d’Alençon. Et moi qui n’y avais pas songé ! Merci, de Mouy, merci ! Quand vous aurez des idées semblables, vous serez le bienvenu au Louvre.

— Sire, vous seriez instruit depuis longtemps de tout ce projet sans cette malheureuse affaire de Maurevel qui m’a fait craindre d’être tombé dans la disgrâce de Votre Majesté.

— Oui, mais, fit Catherine, que disait Henri de ce projet ?

— Le roi de Navarre, Madame, se soumettait au désir de ses frères, et sa renonciation était prête.

— En ce cas, s’écria Catherine, cette renonciation, vous devez l’avoir ?

— En effet, Madame, dit de Mouy, par hasard je l’ai sur moi, signée de lui et datée.

— D’une date antérieure à la scène du Louvre ? dit Catherine ?

— Oui, de la veille, je crois.

Et M. de Mouy tira de sa poche une renonciation en faveur du duc d’Alençon, écrite, signée de la main de Henri, et portant la date indiquée.