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août, Votre Majesté m’avait promis, parlant à moi-même, de nous faire justice du meurtrier ; or, comme il s’était depuis ce temps passé de graves événements, j’ai pensé que le roi avait été malgré lui détourné de ses désirs. Et voyant Maurevel à ma portée, j’ai cru que c’était le ciel qui me l’envoyait. Votre Majesté sait le reste, sire ; j’ai frappé sur lui comme sur un assassin et tiré sur ces hommes comme sur des bandits.

Charles ne répondit rien ; son amitié pour Henri lui avait fait voir depuis quelque temps bien des choses sous un autre point de vue que celui où il les avait envisagées d’abord, et plus d’une fois avec terreur.

La reine mère, à propos de la Saint-Barthélémy, avait enregistré dans sa mémoire des propos sortis de la bouche de son fils, et qui ressemblaient à des remords.

— Mais, dit Catherine, que veniez-vous faire à une pareille heure chez le roi de Navarre ?

— Oh ! répondit de Mouy, c’est toute une histoire bien longue à raconter ; mais si cependant Sa Majesté a la patience de l’entendre…

— Oui, dit Charles, parlez donc, je le veux.

— J’obéirai, sire, dit de Mouy en s’inclinant.

Catherine s’assit en fixant sur le jeune chef un regard inquiet.

— Nous écoutons, dit Charles. Ici, Actéon.

Le chien reprit la place qu’il occupait avant que le prisonnier n’eût été introduit.

— Sire, dit de Mouy, j’étais venu chez Sa Majesté le roi de Navarre comme député de nos frères, vos fidèles sujets de la religion.

Catherine fit un signe à Charles IX.

— Soyez tranquille, ma mère, dit celui-ci, je ne perds pas un mot. Continuez, monsieur de Mouy, continuez : pourquoi étiez-vous venu ?

— Pour prévenir le roi de Navarre, continua M. de Mouy, que son abjuration lui avait fait perdre la confiance du parti huguenot ; mais que cependant, en souvenir de son père, Antoine de Bourbon, et surtout en mémoire de sa mère, la courageuse Jeanne d’Albret, dont le nom est cher parmi nous, ceux de la religion lui devaient cette marque de déférence de le prier de se désister de ses droits à la couronne de Navarre.