On entendit des pas dans l’escalier.
— Il est trop tard, dit Henri.
— Ah ! si l’on pouvait seulement les occuper pendant cinq minutes, s’écria La Mole, je répondrais du roi.
— Alors, répondez-en, Monsieur, dit de Mouy ; je me charge de les occuper, moi. Allez, sire, allez.
— Mais que feras-tu ?
— Ne vous inquiétez pas, sire ; allez toujours.
Et de Mouy commença par faire disparaître l’assiette, la serviette et le verre du roi, de façon qu’on pût croire qu’il était seul à table.
— Venez, sire, venez, s’écria La Mole en prenant le roi par le bras et l’entraînant dans l’escalier.
— De Mouy ! mon brave de Mouy ! s’écria Henri en tendant la main au jeune homme.
De Mouy baisa cette main, poussa Henri hors de la chambre, et en referma derrière lui la porte au verrou.
— Oui, oui, je comprends, dit Henri ; il va se faire prendre, lui, tandis que nous nous sauverons, nous ; mais qui diable peut nous avoir trahis ?
— Venez, sire, venez ; ils montent, ils montent.
En effet, la lueur des flambeaux commençait à ramper le long de l’étroit escalier, tandis qu’on entendait au bas comme une espèce de cliquetis d’épée.
— Alerte ! sire, alerte ! dit La Mole.
Et, guidant le roi dans l’obscurité, il lui fit monter deux étages, poussa la porte d’une chambre, qu’il referma au verrou, et allant ouvrir la fenêtre d’un cabinet :
— Sire, dit-il, Votre Majesté craint-elle beaucoup les excursions sur les toits ?
— Moi ? dit Henri ; allons donc, un chasseur d’isards !
— Eh bien ! que Votre Majesté me suive ; je connais le chemin et vais lui servir de guide.
— Allez, allez, dit Henri : je vous suis.
Et La Mole enjamba le premier, suivit un large rebord faisant gouttière, au bout duquel il trouva une vallée formée par deux toits ; sur cette vallée s’ouvrait une mansarde sans fenêtre et donnant dans un grenier inhabité.
— Sire, dit La Mole, vous voici au port.
— Ah ! ah ! dit Henri, tant mieux.
Et il essuya son front pâle où perlait la sueur.