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« Ce soir, à dix heures, rue de l’Arbre-Sec, hôtel de la Belle-Étoile. Si vous venez, ne répondez rien ; si vous ne venez pas, dites non au porteur.

« De Mouy de Saint-Phale. »


En lisant ce billet, il n’y avait qu’un sourire sur les lèvres de Catherine ; elle songeait seulement à la victoire qu’elle allait remporter, oubliant complètement à quel prix elle achetait cette victoire.

Mais aussi, qu’était-ce qu’Orthon ? Un cœur fidèle, une âme dévouée, un enfant jeune et beau ; voilà tout.

Cela, on le pense bien, ne pouvait pas faire pencher un instant le plateau de cette froide balance où se pèsent les destinées des empires.

Le billet lu, Catherine remonta immédiatement chez madame de Sauve, et le plaça derrière le miroir.

En descendant elle retrouva à l’entrée du corridor le capitaine des gardes.

— Madame, dit M. de Nancey, selon les ordres qu’a donnés Votre Majesté, le cheval est prêt.

— Mon cher baron, dit Catherine, le cheval est inutile, j’ai fait causer ce garçon, et il est véritablement trop sot pour le charger de l’emploi que je lui voulais confier. Je le prenais pour un laquais, et c’était tout au plus un palefrenier ; je lui ai donné quelque argent, et l’ai renvoyé par le petit guichet.

— Mais, dit M. de Nancey, cette commission ?

— Cette commission ? répéta Catherine.

— Oui, qu’il devait faire à Saint-Germain, Votre Majesté veut-elle que je la fasse, ou que je la fasse faire par quelqu’un de mes hommes ?

— Non, non, dit Catherine, vous et vos hommes aurez ce soir autre chose à faire.

Et Catherine rentra chez elle, espérant bien ce soir-là tenir entre ses mains le sort de ce damné roi de Navarre.