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Le capitaine le suivit par derrière.

Le premier plan qu’avait formé Catherine était d’arrêter le jeune homme, de le faire fouiller et de s’emparer du billet dont elle le savait porteur ; en conséquence, elle avait songé à l’accuser de vol, et déjà avait détaché de la toilette une agrafe de diamants dont elle voulait faire peser la soustraction sur l’enfant ; mais elle réfléchit que le moyen était dangereux, en ceci qu’il éveillait les soupçons du jeune homme, lequel prévenait son maître, qui alors se défiait, et dans sa défiance ne donnait point prise sur lui.

Sans doute elle pouvait faire conduire le jeune homme dans quelque cachot ; mais le bruit de l’arrestation, si secrètement qu’elle se fît, se répandait dans le Louvre, et un seul mot de cette arrestation mettrait Henri sur ses gardes.

Il fallait cependant à Catherine ce billet, car un billet de M. de Mouy au roi de Navarre, un billet recommandé avec tant de soin devait renfermer tout une conspiration.

Elle replaça donc l’agrafe où elle l’avait prise.

— Non, non, dit-elle, idée de sbire ; mauvaise idée. Mais pour un billet… qui peut-être n’en vaut pas la peine, continua-t-elle en fronçant les sourcils, et en parlant si bas qu’elle-même pouvait à peine entendre le bruit de ses paroles. Eh ! ma foi, ce n’est point ma faute ; c’est la sienne. Pourquoi le petit brigand n’a-t-il point mis le billet où il devait le mettre ? Ce billet, il me le faut.

En ce moment Orthon rentra.

Sans doute le visage de Catherine avait une expression terrible, car le jeune homme s’arrêta pâlissant sur le seuil. Il était encore trop jeune pour être parfaitement maître de lui-même.

— Madame, dit-il, vous m’avez fait l’honneur de me rappeler ; en quelle chose puis-je être bon à Votre Majesté ?

Le visage de Catherine s’éclaira, comme si un rayon de soleil fût venu le mettre en lumière.

— Je t’ai fait appeler, enfant, dit-elle, parce que ton visage me plaît, et que t’ayant fait une promesse, celle de m’occuper de ta fortune, je veux tenir cette promesse sans retard. On nous accuse, nous autres reines, d’être oublieuses. Ce n’est point notre cœur qui l’est, c’est notre esprit, emporté par les événements. Or, je me suis rappelé que les rois tien-