chaleur et ce doux parfum qui annoncent un beau jour, un homme pâle, appuyé sur un bâton et marchant péniblement, sortit d’une petite maison sise derrière l’Arsenal et s’achemina par la rue du Petit-Musc.
Vers la porte Saint-Antoine, et après avoir longé cette promenade qui tournait comme une prairie marécageuse autour des fossés de la Bastille, il laissa le grand boulevard à sa gauche et entra dans le jardin de l’Arbalète, dont le concierge le reçut avec de grandes salutations.
Il n’y avait personne dans ce jardin, qui, comme l’indique son nom, appartenait à une société particulière : celle des arbalétriers. Mais, y eût-il eu des promeneurs, l’homme pâle eût été digne de tout leur intérêt, car sa longue moustache, son pas qui conservait une allure militaire, bien qu’il fût ralenti par la souffrance, indiquaient assez que c’était quelque officier blessé dans une occasion récente qui essayait ses forces par un exercice modéré et reprenait la vie au soleil.
Cependant, chose étrange ! lorsque le manteau dont, malgré la chaleur naissante, cet homme en apparence inoffensif était enveloppé s’ouvrait, il laissait voir deux longs pistolets pendant aux agrafes d’argent de sa ceinture, laquelle serrait en outre un large poignard et soutenait une longue épée qu’il semblait ne pouvoir tirer, tant elle était colossale, et qui, complétant cet arsenal vivant, battait de son fourreau deux jambes amaigries et tremblantes. En outre, et pour surcroît de précautions, le promeneur, tout solitaire qu’il était, lançait à chaque pas un regard scrutateur, comme pour interroger chaque détour d’allée, chaque buisson, chaque fossé.
Ce fut ainsi que cet homme pénétra dans le jardin, gagna paisiblement une espèce de petite tonnelle donnant sur les boulevards, dont il n’était séparé que par une haie épaisse et un petit fossé qui formait sa double clôture. Là, il s’étendit sur un banc de gazon à portée d’une table où le gardien de l’établissement, qui joignait à son titre de concierge l’industrie de gargotier, vint au bout d’un instant lui apporter une espèce de cordial.
Le malade était là depuis dix minutes et avait à plusieurs reprises porté à sa bouche la tasse de faïence dont il dégustait le contenu à petites gorgées, lorsque tout à coup son