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— Retournes-tu avec moi ?

— Impossible.

— Penserait-on encore à te tuer ?

— Je ne crois pas. Je suis trop peu important pour qu’il y ait contre moi un complot arrêté, une résolution suivie. Dans un moment de caprice, on a voulu me tuer, et c’est tout : les princes étaient en gaieté ce soir-là.

— Que fais-tu, alors ?

— Moi, rien : j’erre, je me promène.

— Eh bien ! je me promènerai comme toi, j’errerai avec toi. C’est un charmant état. Puis, si l’on t’attaque, nous serons deux, et nous leur donnerons du fil à retordre. Ah ! qu’il y vienne, ton insecte de duc ! je le cloue comme un papillon à la muraille !

— Mais demande-lui un congé, au moins !

— Oui, définitif.

— Préviens-le que tu le quittes, en ce cas.

— Rien de plus juste. J’y consens. Je vais lui écrire.

— Lui écrire, c’est bien leste, Coconnas, à un prince du sang !

— Oui, du sang ! du sang de mon ami. Prends garde, s’écria Coconnas en roulant ses gros yeux tragiques, prends garde que je m’amuse aux choses de l’étiquette !

— Au fait, se dit La Mole, dans quelques jours il n’aura plus besoin du prince, ni de personne ; car s’il veut venir avec nous, nous l’emmènerons.

Coconnas prit donc la plume sans plus longue opposition de son ami, et tout couramment composa le morceau d’éloquence que l’on va lire.


« Monseigneur,

« Il n’est pas que Votre Altesse, versée dans les auteurs de l’antiquité comme elle l’est, ne connaisse l’histoire touchante d’Oreste et de Pylade, qui étaient deux héros fameux par leurs malheurs et par leur amitié. Mon ami La Mole n’est pas moins malheureux qu’Oreste, et moi je ne suis pas moins tendre que Pylade. Il a, dans ce moment-ci, de grandes occupations qui réclament mon aide. Il est donc impossible que je me sépare de lui. Ce qui fait que, sauf l’approbation de Votre Altesse, je prends un petit congé,