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pendant ces jours de caprice, où l’astre du Piémontais semblait pâlir dans le ciel de sa belle maîtresse ; mais Coconnas, qui eût égorgé quinze personnes pour un seul clin d’œil de sa dame, était si peu jaloux de La Mole, qu’il lui avait souvent fait à l’oreille, à la suite de ces inconséquences de la duchesse, certaines offres qui avaient fait rougir le Provençal.

Il résulte de cet état de choses que Henriette, que l’absence de La Mole privait de tous les avantages que lui procurait la compagnie de Coconnas, c’est-à-dire de son intarissable gaieté et de ses insatiables caprices de plaisir, vint un jour trouver Marguerite pour la supplier de lui rendre ce tiers obligé, sans lequel l’esprit et le cœur de Coconnas allaient s’évaporant de jour en jour.

Marguerite, toujours compatissante et d’ailleurs pressée par les prières de La Mole et les désirs de son propre cœur, donna rendez-vous pour le lendemain à Henriette dans la maison aux deux portes, afin d’y traiter à fond ces matières dans une conversation que personne ne pourrait interrompre.

Coconnas reçut d’assez mauvaise grâce le billet d’Henriette qui le convoquait rue Tizon pour neuf heures et demie. Il ne s’en achemina pas moins vers le lieu du rendez-vous, où il trouva Henriette déjà courroucée d’être arrivée la première.

— Fi ! Monsieur, dit-elle, que c’est mal appris de faire attendre ainsi… je ne dirai pas une princesse, mais une femme !

— Oh ! attendre, dit Coconnas, voilà bien un mot à vous, par exemple ! je parie au contraire que nous sommes en avance.

— Moi, oui.

— Bah ! moi aussi ; il est tout au plus dix heures, je parie.

— Eh bien ! mon billet portait neuf heures et demie.

— Aussi étais-je parti du Louvre à neuf heures, car je suis de service près de M. le duc d’Alençon, soit dit en passant ; ce qui fait que je serai obligé de vous quitter dans une heure.

— Ce qui vous enchante ?

— Non, ma foi ! attendu que M. d’Alençon est un maître fort maussade et fort quinteux ; et que pour être querellé,