et que Sa Majesté doit savoir où il est, je vais faire provision de courage et aller la trouver.
— Va, mon ami, va, dit le duc François. Et quand tu auras des nouvelles, donne-m’en à moi-même ; car je suis en vérité aussi inquiet que toi. Seulement souviens-toi d’une chose, Coconnas…
— Laquelle ?
— Ne dis pas que tu viens de ma part, car en commettant cette imprudence tu pourrais bien ne rien apprendre.
— Monseigneur, dit Coconnas, du moment où Votre Altesse me recommande le secret sur ce point, je serai muet comme une tanche ou comme la reine mère.
— Bon prince, excellent prince, prince magnanime, murmura Coconnas en se rendant chez la reine de Navarre.
Marguerite attendait Coconnas, car le bruit de son désespoir était arrivé jusqu’à elle, et en apprenant par quels exploits ce désespoir s’était signalé, elle avait presque pardonné à Coconnas la façon quelque peu brutale dont il traitait son amie madame la duchesse de Nevers, à laquelle le Piémontais ne s’était point adressé à cause d’une grosse brouille existant déjà depuis deux ou trois jours entre eux. Il fut donc introduit chez la reine aussitôt qu’annoncé.
Coconnas entra, sans pouvoir surmonter ce certain embarras dont il avait parlé à d’Alençon qu’il éprouvait toujours en face de la reine, et qui lui était bien plus inspiré par la supériorité de l’esprit que par celle du rang ; mais Marguerite l’accueillit avec un sourire qui le rassura tout d’abord.
— Eh ! Madame, dit-il, rendez-moi mon ami, je vous en supplie, ou dites-moi tout au moins ce qu’il est devenu ; car sans lui je ne puis pas vivre. Supposez Euryale sans Nisus, Damon sans Pythias, ou Oreste sans Pylade, et ayez pitié de mon infortune en faveur d’un des héros que je viens de vous citer, et dont le cœur, je vous le jure, ne l’emportait pas en tendresse sur le mien.
Marguerite sourit, et après avoir fait promettre le secret à Coconnas, elle lui raconta la fuite par la fenêtre. Quant au lieu de son séjour, si instantes que fussent les prières du Piémontais, elle garda sur ce point le plus profond silence. Cela ne satisfaisait qu’à demi Coconnas ; aussi se laissa-t-il aller à des aperçus diplomatiques de la plus haute sphère.