— Florissant comme toujours, Madame. À moins de vaincre le destin par une lutte de dieu à dieu, l’avenir est bien certainement à cet homme. Cependant…
— Cependant, quoi ?
— Une des étoiles qui composent sa pléiade est restée pendant le temps de mes observations couverte d’un nuage noir.
— Ah ! s’écria Catherine, un nuage noir… il y aurait donc quelque espérance ?
— De qui parlez-vous, Madame ? demanda le duc d’Anjou.
Catherine emmena son fils loin de la lueur du brasier et lui parla à voix basse.
Pendant ce temps René s’agenouillait, et à la clarté de la flamme, versant dans sa main une dernière goutte de sang demeurée au fond de la fiole :
— Bizarre contradiction, disait-il, et qui prouve combien peu sont solides les témoignages de la science simple que pratiquent les hommes vulgaires ! Pour tout autre que moi, pour un médecin, pour un savant, pour maître Ambroise Paré lui-même, voilà un sang si pur, si fécond, si plein de mordant et de sucs animaux, qu’il promet de longues années au corps dont il est sorti ; et cependant toute cette vigueur doit disparaître bientôt, toute cette vie doit s’éteindre avant un an !
Catherine et Henri d’Anjou s’étaient retournés et écoutaient.
Les yeux du prince brillaient à travers son masque.
— Ah ! continua René, c’est qu’aux savants ordinaires le présent seul appartient ; tandis qu’à nous appartiennent le passé et l’avenir.
— Ainsi donc, continua Catherine, vous persistez à croire qu’il mourra avant une année ?
— Aussi certainement que nous sommes ici trois personnes vivantes qui un jour reposeront à leur tour dans le cercueil.
— Cependant vous disiez que le sang était pur et fécond, vous disiez que ce sang promettait une longue vie ?
— Oui, si les choses suivaient leur cours naturel. Mais n’est-il pas possible qu’un accident…
— Ah ! oui, vous entendez, dit Catherine à Henri, un accident…
— Hélas ! dit celui-ci, raison de plus pour demeurer.