Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais Marguerite avait tout compris, et elle avait admiré ce courage étrange de Henri qui, pareil à l’éclair, ne brillait que dans l’orage.

Malheureusement ce n’était pas le tout que d’avoir échappé au règne du duc d’Anjou, il fallait se faire roi soi-même. Il fallait disputer la Navarre au duc d’Alençon et au prince de Condé ; il fallait surtout quitter cette cour où l’on ne marchait qu’entre deux précipices, et la quitter protégé par un fils de France.

Henri, tout en revenant de Bondy, réfléchit profondément à la situation. En arrivant au Louvre, son plan était fait.

Sans se débotter, tel qu’il était, tout poudreux et tout sanglant encore, il se rendit chez le duc d’Alençon, qu’il trouva fort agité et se promenant à grands pas dans sa chambre.

En l’apercevant, le prince fit un mouvement.

— Oui, lui dit Henri en lui prenant les deux mains, oui, je comprends, mon bon frère, vous m’en voulez de ce que le premier j’ai fait remarquer au roi que votre balle avait frappé la jambe de son cheval, au lieu d’aller frapper le sanglier, comme c’était votre intention. Mais que voulez-vous ? je n’ai pu retenir une exclamation de surprise. D’ailleurs le roi s’en fût toujours aperçu, n’est-ce pas ?

— Sans doute, sans doute, murmura d’Alençon. Mais je ne puis cependant attribuer qu’à mauvaise intention cette espèce de dénonciation que vous avez faite, et qui, vous l’avez vu, n’a pas eu un résultat moindre que de faire suspecter à mon frère Charles mes intentions, et de jeter un nuage entre nous.

— Nous reviendrons là-dessus tout à l’heure ; et quant à la bonne ou à la mauvaise intention que j’ai à votre égard, je viens exprès auprès de vous pour vous en faire juge.

— Bien ! dit d’Alençon avec sa réserve ordinaire ; parlez, Henri, je vous écoute.

— Quand j’aurai parlé, François, vous verrez bien quelles sont mes intentions, car la confidence que je viens vous faire exclut toute réserve et toute prudence ; et quand je vous l’aurai faite, d’un seul mot vous pourrez me perdre !

— Qu’est-ce donc ? dit François, qui commençait à se troubler.

— Et cependant, continua Henri, j’ai hésité longtemps à vous parler de la chose qui m’amène, surtout après la façon dont vous avez fait la sourde oreille aujourd’hui.