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tant les morceaux notés pour les voix les plus hautes, restait toujours en deçà de ce qu’elle pouvait faire, il s’était convaincu qu’il n’y avait aucun danger à laisser aller le doux rossignol au penchant de sa mélodieuse vocation.

Seulement maître Gottlieb avait oublié que la corde de la musique n’est pas la seule qui résonne dans le cœur des jeunes filles, et qu’il y a une autre corde bien autrement frêle, bien autrement vibrante, bien autrement mortelle : celle de l’amour !

Celle-là s’était éveillée chez la pauvre enfant au son de l’archet d’Hoffmann ; inclinée sur sa broderie dans la chambre à côté de celle où se tenaient le jeune homme et le vieillard, elle avait relevé la tête au premier frémissement qui avait passé dans l’air. Elle avait écouté ; puis peu à peu une sensation étrange avait pénétré dans son âme, avait couru en frissons inconnus dans ses veines. Elle s’était alors soulevée lentement, appuyant une main à sa chaise, tandis que l’autre laissait échapper la broderie de ses doigts entrouverts. Elle était restée un instant immobile ; puis, lentement, elle s’était avancée vers la porte, et, comme nous l’avons dit, ombre évoquée de la vie matérielle, elle était apparue, poétique vision, à la porte du cabinet de maître Gottlieb Murr.

Nous avons vu comment la musique avait fondu à son ardent creuset ces trois âmes en une seule, et comment, à la fin du concert, Hoffmann était devenu commensal de la maison.

C’était l’heure où le vieux Gottlieb avait l’habitude de se mettre à table. Il invita Hoffmann à dîner avec lui, invi-