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ciel, continuent murmurantes et plaintives les prières des survivans.

Alors aux supplications du violon de maître Gottlieb commença de se mêler une harmonie inattendue, douce et puissante à la fois, presque céleste. Antonia se souleva sur son coude, maître Gottlieb se tourna à moitié et demeura l’archet suspendu sur les cordes de son violon. Hoffmann, d’abord étourdi, enivré, en délire, avait compris qu’aux élancemens de cette âme il fallait un peu d’espoir, et qu’elle se briserait si un rayon divin ne lui montrait le ciel, et il s’était élancé vers un orgue, et il avait étendu ses dix doigts sur les touches frémissantes, et l’orgue, poussant un long soupir, venait de se mêler au violon de Gottlieb et à la voix d’Antonia.

Alors ce fut une chose merveilleuse que ce retour du motif Pieta, Signore, accompagné par cette voix d’espoir, au lieu d’être poursuivi comme dans la première partie par la terreur, et quand, pleine de foi dans son génie comme dans sa prière, Antonia attaqua avec toute la vigueur de sa voix, le fa du volgi, un frisson passa dans les veines du vieux Gottlieb, et un cri s’échappa de la bouche d’Hoffmann, qui, écrasant l’Antonio Amati sous les torrens d’harmonie qui s’échappaient de son orgue, continua la voix d’Antonia après qu’elle eut expiré, et sur les ailes, non plus d’un ange, mais d’un ouragan, sembla porter le dernier soupir de cette âme aux pieds du Seigneur tout-puissant et tout miséricordieux.

Puis il se fit un moment de silence ; tous trois se regardèrent, et leurs mains se joignirent dans une étreinte frater-