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Ce n’était donc pas avec un sentiment moins enthousiaste qu’Hoffmann, quoique ce sentiment fût bien autrement pur encore, qu’il avait vu apparaître Antonia sur le seuil de la porte de son cabinet.

La jeune fille s’avança lentement ; deux larmes brillaient à sa paupière ; et, faisant trois pas vers Hoffmann, elle lui tendit la main.

Puis, avec un accent de chaste familiarité, et comme si elle eût connu le jeune homme depuis dix ans :

— Bonjour, frère, dit-elle.

Maître Gottlieb, du moment où sa fille avait paru, était resté muet et immobile ; son âme, comme toujours, avait quitté son corps, et, voltigeant autour d’elle, chantait aux oreilles d’Antonia toutes les mélodies d’amour et de bonheur que chante l’âme d’un père à la vue de sa fille bien-aimée.

Il avait donc posé son cher Antonio Amati sur la table, et, joignant les deux mains comme il eût fait devant la Vierge, il regardait venir son enfant.

Quant à Hoffmann, il ne savait s’il veillait ou dormait, s’il était sur la terre ou au ciel, si c’était une femme qui venait à lui, ou un ange qui lui apparaissait.

Aussi fit-il presque un pas en arrière lorsqu’il vit Antonia s’approcher de lui et lui tendre la main en l’appelant son frère.

— Vous, ma sœur ! dit-il d’une voix étouffée.

— Oui, dit Antonia : ce n’est pas le sang qui fait la famille, c’est l’âme. Toutes les fleurs sont sœurs par le parfum, tous les artistes sont frères par l’art. Je ne vous ai jamais vu, c’est vrai, mais je vous connais ; votre archet