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— Eh bien ! dit-il d’un air de défi, joue-moi quelque chose : voyons, joue, et je te dirai où tu en es, et, s’il est encore temps de te retirer du précipice, je t’en tirerai, comme j’en ai tiré le pauvre Zacharias Werner. Il en jouait aussi lui, du violon ; il en jouait avec fureur, avec rage. Il rêvait des miracles, mais je lui ai ouvert l’intelligence. Il brisa son violon en morceaux, et il en fit un feu. Puis je lui mis une basse entre les mains, et cela acheva de le calmer. Là, il y avait de la place pour ses longs doigts maigres. Au commencement, il leur faisait faire dix lieues à l’heure, et maintenant, maintenant, il joue suffisamment de la basse pour souhaiter la fête à son oncle, tandis qu’il n’eût jamais joué du violon que pour souhaiter la fête au diable. Allons, allons, jeune homme, voici un violon, montre-moi ce que tu sais faire.

Hoffmann prit le violon et l’examina.

— Oui, oui, dit maître Gottlieb, tu examines de qui il est, comme le gourmet flaire le vin qu’il va boire. Pince une corde, une seule, et si ton oreille ne te dit pas le nom de celui qui a fait le violon, tu n’es pas digne de le toucher.

Hoffmann pinça une corde, qui rendit un son vibrant, prolongé, frémissant.

— C’est un Antonio Stradivarius.

— Allons, pas mal ; mais de quelle époque de la vie de Stradivarius ? Voyons un peu ; il en a fait beaucoup de violons de 1698 à 1728.

— Ah ! quant à cela, dit Hoffmann, j’avoue mon ignorance, et il me semble impossible…

— Impossible, blasphémateur ! impossible ! c’est comme