Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a été inventé par Satan lui-même pour damner l’homme, quand Satan a été au bout de ses inventions. Avec le violon, Satan a perdu plus d’âmes qu’avec les sept péchés capitaux réunis. Il n’y a que l’immortel Tartini, Tartini, mon maître, mon héros, mon dieu ! il n’y a que lui qui ait jamais atteint la perfection sur le violon ; mais lui seul sait ce qu’il lui a coûté dans ce monde et dans l’autre pour avoir joué toute une nuit avec le violon du diable lui-même, et pour avoir gardé son archet. Oh ! le violon ! sais-tu, malheureux profanateur ! que cet instrument cache sous sa simplicité presque misérable les plus inépuisables trésors d’harmonie qu’il soit possible à l’homme de boire à la coupe des dieux ? As-tu étudié ce bois, ces cordes, cet archet, ce crin, ce crin surtout ? espères-tu réunir, assembler, dompter sous tes doigts ce tout merveilleux, qui depuis deux siècles résiste aux efforts des plus savants, qui se plaint, qui gémit, qui se lamente sous leurs doigts, et qui n’a jamais chanté que sous les doigts de l’immortel Tartini, mon maître ? Quand tu as pris un violon pour la première fois, as-tu bien pensé à ce que tu faisais, jeune homme ? Mais tu n’es pas le premier, ajouta maître Gottlieb avec un soupir tiré du plus profond de ses entrailles, et tu ne seras pas le dernier que le violon aura perdu ; violon, tentateur éternel ! d’autres que toi aussi ont cru à leur vocation, et ont perdu leur vie à racler le boyau, et tu vas augmenter le nombre de ces malheureux, si nombreux, si inutiles à la société, si insupportables à leurs semblables.

Puis, tout à coup, et sans transition aucune, saisissant un violon et un archet comme un maître d’escrime prend deux fleurets, et les présentant à Hoffmann :