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voyez-vous, c’est ce qui a vécu : vous ne comprendrez jamais entièrement l’œuvre d’un homme si vous n’avez pas connu l’homme lui-même.

Hoffmann fit un signe de la tête.

— C’est vrai, dit-il, et je n’ai jamais apprécié complètement Mozart qu’après avoir vu Mozart.

— Oui, oui, dit Gottlieb, Mozart a du bon ; mais pourquoi a-t-il du bon ? parce qu’il a voyagé en Italie. La musique allemande, jeune homme, c’est la musique des hommes ; mais retenez bien ceci, la musique italienne, c’est la musique des dieux.

— Ce n’est pourtant pas, reprit Hoffmann en souriant, ce n’est pourtant pas en Italie que Mozart a fait Le Mariage de Figaro et Don Juan, puisqu’il a fait l’un à Vienne pour l’empereur, et l’autre à Prague pour le théâtre italien.

— C’est vrai, jeune homme, c’est vrai, et j’aime à voir en vous cet esprit national qui vous fait défendre Mozart. Oui, certainement, si le pauvre diable eût vécu, et s’il eût fait encore un ou deux voyages en Italie, c’eût été un maître, un très grand maître. Mais ce Don Juan, dont vous parlez, ce Mariage de Figaro, dont vous parlez, sur quoi les a-t-il faits ? Sur des libretti italiens, sur des paroles italiennes, sous un reflet du soleil de Bologne, de Rome ou de Naples. Croyez-moi, jeune homme, ce soleil, il faut l’avoir vu, l’avoir senti, pour l’apprécier à sa valeur. Tenez, moi, j’ai quitté l’Italie depuis quatre ans ; depuis quatre ans je grelotte, excepté quand je pense à l’Italie ; la pensée seule me réchauffe ; je n’ai plus besoin de manteau quand je pense à l’Italie ; je n’ai plus besoin d’habit, je n’ai plus