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fortune, mille frédérics d’or, mon ami. Eh bien ! quand j’ai vu cela, quand de chaque pièce j’ai vu rejaillir un rayon, la rage m’a repris, je n’ai pas pu y résister, j’ai pris le tiers de mon or et j’ai été au jeu.

— Et tu as perdu ?

— Jusqu’à mon dernier kreutzer.

— Que veux-tu ? c’est un petit malheur, puisqu’il te reste les deux tiers.

— Ah bien oui, les deux tiers ! Je suis revenu chercher le second tiers, et…

— Et tu l’as perdu comme le premier ?

— Plus vite, mon ami, plus vite.

— Et tu es revenu chercher ton troisième tiers ?

— Je ne suis pas revenu, j’ai volé : j’ai pris les quinze cents thalers restants, et je les ai posés sur la rouge.

— Alors, dit Hoffmann, la noire est sortie, n’est-ce pas ?

— Ah ! mon ami, la noire, l’horrible noire, sans hésitation, sans remords, comme si en sortant elle ne m’enlevait pas mon dernier espoir ! Sortie, mon ami, sortie !

— Et tu ne regrettes les mille frédérics qu’à cause du voyage ?

— Pas pour autre chose. Oh ! si j’eusse seulement mis de côté de quoi aller à Paris, cinq cents thalers !

— Tu te consolerais d’avoir perdu le reste ?

— À l’instant même.

— Eh bien ! qu’à cela ne tienne, mon cher Zacharias, dit Hoffmann en le conduisant vers son tiroir ; tiens, voilà les cinq cents thalers, pars.

— Comment ! que je parte ? s’écria Werner, et toi ?

— Oh ! moi, je ne pars plus.