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c’était une jolie somme pour deux étudiants, qui vivaient, logés, chauffés et nourris, pour cinq thalers par mois. Mais cette somme était bien insuffisante pour accomplir le fameux voyage projeté.

Il était venu une idée aux deux jeunes gens, et, comme cette idée leur était venue à tous deux à la fois, ils l’avaient prise pour une inspiration du ciel.

C’était d’aller au jeu et de risquer chacun les cinq frédérics d’or.

Avec ces dix frédérics il n’y avait pas de voyage possible. En risquant ces dix frédérics on pouvait gagner une somme à faire le tour du monde.

Ce qui fut dit fut fait : la saison des eaux approchait, et puis le 1er mai, les maisons de jeu étaient ouvertes ; Werner et Hoffmann entrèrent dans une maison de jeu.

Werner tenta le premier la fortune, et perdit en cinq coups ses cinq frédérics d’or.

Le tour d’Hoffmann était venu.

Hoffmann hasarda en tremblant son premier frédéric d’or et gagna.

Encouragé par ce début, il redoubla. Hoffmann était dans un jour de veine ; il gagnait quatre coups sur cinq, et le jeune homme était de ceux qui ont confiance dans la fortune. Au lieu d’hésiter, il marcha franchement de parolis en parolis ; on eût pu croire qu’un pouvoir surnaturel le secondait : sans combinaison arrêtée, sans calcul aucun, il jetait son or sur une carte, et son or se doublait, se triplait, se quintuplait. Zacharie, plus tremblant qu’un fiévreux, plus pâle qu’un spectre, Zacharie murmurait : « Assez, Théodore, assez ; » mais le joueur raillait cette timidité